Dis maman, c’est encore loin Compostelle ? par Céline Anaya Gautier


LIVRE DISPONIBLE À LA BOUTIQUE


Pour devenir un petit homme, Santiago, 7 ans, décide de marcher jusqu’à Compostelle avec sa mère, Céline. Une aventure hors des sentiers battus, racontée avec verve, légèreté et profondeur. 1 200 kilomètres d’émotion et d’éclats de rire.

© Céline Anaya Gautier

© Céline Anaya Gautier

Depuis toujours, Céline, Franco-Péruvienne, répète à son fils Santiago qu’il est un jeune guerrier des Andes, descendant direct des Quechuas, et qu’il devra un jour choisir un rite initiatique pour devenir un petit homme.

À 7 ans, Santiago déclare : «Maman, je veux aller sur mon chemin, le chemin de Santiago de Compostela. Je te promets que même si j’ai mal aux pieds, j’irai jusqu’au bout !»

C’est ainsi que le 22 juin 2014 débute leur périple de 1 200 km vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Le fils apprend que sa mère ne sait pas tout, et la mère découvre un fils qui grandit trop vite.
Sur leur chemin, ils croisent des personnages hauts en couleur : Pierre et son taureau, l’alchimiste de la forêt de Castelnau, Jacques le beau géant aux yeux turquoise, P’tit Louis, les anges du Camino et bien d’autres… Entre jeux, rencontres inoubliables, larmes, bouderies, expériences spirituelles, disputes et fous rires, Santiago s’émerveille de la vie et réenchante le vaste monde.

Céline Anaya Gautier est photographe indépendante et travaille notamment pour Courrier International, Le Figaro Magazine, Le Monde, The New York Times. Elle a publié plusieurs beaux livres dont Coeur de femmes (2005) et Esclaves au paradis (2007).



Extrait du livre :

Après le dîner, le fils du patron qui a une dizaine d’années joue dehors avec un ballon de foot. Santiago veut y aller, mais il a honte.
– Chéri, tu viens de traverser le sud de la France, les Pyrénées, tu es un champion, tu ne dois avoir honte de rien. Va jouer.
– Non, ça va aller, maman.
– Mais ce n’est pas vrai ! Je rêve, là… Ça ne sert à rien de faire ton passage de petit homme et de marcher autant de kilomètres si tu n’es pas capable de dépasser ta timidité. Tu dois oser dans la vie sinon tu passeras à côté de plein de belles choses. Par exemple, si je n’avais pas osé demander à l’hôtesse dans l’avion la permission pour que tu ailles dans le cockpit, tu n’aurais jamais connu ça et tu serais passé à côté. Moi aussi je me suis dit que je pouvais me faire rabrouer. Santiago trifouille dans son assiette. Je vois bien qu’il n’a qu’une envie c’est d’y aller mais je ne sais pas ce qui le retient. Ça m’agace profondément qu’il n’ose pas.
– Bon, écoute, Sénèque disait : « Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’on n’ose pas, c’est parce qu’on n’ose pas que tout devient difficile. »
– Qu’est-ce qu’il en sait, Sénèque ? Il n’était peut-être pas timide lui. Et d’abord, c’est qui celui-là ?
– Aucune importance maintenant. Bon d’accord, c’était un philosophe espagnol qui a vécu il y a très longtemps, avant Jésus je crois. Eh oui, tu as raison, peutêtre qu’il n’était pas timide mais l’important c’est qu’il te donne une clé précieuse pour ouvrir une porte dans ta vie. Celle de la timidité. Je sais que tu es timide mais ce n’est pas une tare, c’est juste un combat que tu dois mener contre toi-même. Je t’ai déjà expliqué que, dans ta vie, tu seras toujours ton plus grand frein. Le plus dur, c’est d’identifier ses peurs et de les affronter. Nous sommes sur le chemin de Compostelle et aussi banale que puisse paraître cette épreuve d’aller jouer au ballon avec un petit garçon, pour toi elle est importante parce qu’elle crée une souffrance en toi. Celle de ne pas vivre un moment sympa par peur d’être rejeté ou jugé. D’ailleurs, ce sera une de tes épreuves sur le Chemin pour réussir ton passage, alors plus vite tu te feras violence pour résoudre ce problème, plus vite on pourra passer à autre chose.
– Maman, tu dis n’importe quoi, je n’ai même pas envie d’y aller.
– Santiago, je t’ai porté neuf mois dans mon ventre et ça fait sept ans que je te vois grandir. Alors même si je ne te connais pas par coeur, je te connais un petit peu. Maintenant, je t’ai dit ce que j’avais à dire et c’est à toi de faire tes choix et de questionner ta conscience pour savoir si tu es honnête avec toi-même ou si tu essayes tout simplement de te berner. Je ne te dirai plus rien, c’est ta vie, ce sont tes choix, pas les miens. C’est vrai que j’abuse peut-être un peu de le bousculer après 28 bornes et plus de huit heures de marche mais on ne choisit pas le moment où la vie nous inflige des épreuves, alors c’est maintenant ou jamais. Plus vite il l’affrontera, plus vite il passera à autre chose. Je le vois ruminer, se battre avec lui-même, par deux fois il est à deux doigts de se lever mais se ravise. C’est finalement au terme de 20 minutes d’une rude bataille avec lui-même et sa timidité que d’un coup, il pousse sa chaise et, avec détermination, traverse le restaurant pour enfiler à nouveau ses chaussures de marche et sort jouer au foot avec son nouveau petit copain. Encore une fois, je suis fière de lui et ça me prouve que j’ai raison de ne pas le ménager, de le pousser et de le mettre face à lui-même et à ses peurs. C’est sur cette belle image que nous finirons la journée.