Sur le chemin du deuil

Faire le deuil de la marche? Non!
Marcher dans le deuil? Peut-être
Marcher pour approfondir son histoire personnelle? OUI!
Restons ouverts, pas à pas.

Un texte de Nathalie Cartier
(Traductrice, entrepreneure, marcheuse et amie de La Tienda)

Sur le chemin du deuil

Nous sommes nombreux à avoir dû renoncer à un voyage de marche cette année, et pas seulement à cela, d’ailleurs. Nous nous demandons tous intérieurement si nos projets sont simplement remis à plus tard ou si la vie est en train de nous demander de renoncer à quelque chose. En fait, nous ne le savons pas. Pour le moment, et je dis bien pour le moment, nous n’avons pas de réponses. Que des espoirs, des rêves, des désirs, qui trouveront un jour leur réalisation sous une forme ou sous une autre.

Le deuil est lié à la perte définitive d’un être cher, disparu pour toujours. Par extension, on parle de deuil dans d’autres contextes, comme par exemple, faire le deuil de son pays d’origine, faire le deuil d’une relation intime, etc. Dans tous les cas, l’idée de perte est permanente. Ce qu’on a perdu ne reviendra plus.

Nous pouvons raisonnablement penser que nous reprendrons notre chemin sur les sentiers du monde. Mais peut-être devrons-nous aller moins loin pendant un certain temps. Revoir nos façons de voyager et le rythme de nos déplacements. Redéfinir nos aspirations pour tenir compte des changements qui ont assailli notre monde ces derniers mois.

Marcheuse depuis vingt ans, dans le sens de marcher pendant des semaines pour découvrir des petits coins du monde et plonger en même temps en moi-même, je suis confrontée, comme vous tous sans doute, à mes motivations, à mes désirs, à mes capacités, dans un contexte où il est facile de se sentir anxieux, déboussolé, sans repères.

Je faisais officiellement partie de l’équipe de La Tienda depuis peu lorsque le magasin a dû fermer ses portes temporairement en raison de la pandémie. J’avais rejoint cette formidable entreprise portée par mon enthousiasme pour la marche, bien entendu, mais aussi pour les valeurs que véhicule La Tienda. Je me sens bien dans cet univers et le passage de la vie dans lequel je me trouve m’a amenée à vouloir m’investir dans cette belle entreprise pour y apporter ma petite contribution.

Un jour, il est raisonnable de penser que je retournerai travailler à La Tienda. J’espère aussi relancer, dans le futur, le projet de voyage sur la Via Francigena et d’apprentissage de l’italien qui devait avoir lieu en mai. Et je réfléchis aussi à un autre projet de voyage de marche – une idée d’Anne St-Hilaire – axé sur le deuil. Le vrai. Celui qui nous jette par terre et dont on croit ne jamais pouvoir se relever. Redonner un sens à sa vie demande beaucoup de travail, de réflexion, et c’est souvent en mettant un pied devant l’autre que je suis parvenue et que je parviens encore à avancer un peu intérieurement.

Ce voyage axé sur le deuil, tous les deuils sans discrimination, sera TOUT SAUF TRISTE. Parce que le deuil nous fait réaliser la valeur de la vie, ce n’est pas la fin de l’amour, loin de là, c’est l’occasion d’une rencontre avec soi-même qu’on n’avait jamais imaginée, par moments très ardue, et d’une transformation de la relation avec la personne disparue.

Les projets ne manquent pas à La Tienda, et je salue ici l’immense courage de cette formidable équipe, qui se retrousse les manches et remet la machine en marche, lentement mais sûrement, dans le respect et la sécurité. Bravo!

Nous remarcherons, seuls ou ensemble, ici ou ailleurs. En attendant, restons ouverts, pas à pas.

Je vous invite pour conclure à lire ce texte inspiré d’un poème de Danna Faulds intitulé Weston Prayer, que je trouve profondément pertinent en ce moment et que j’ai traduit librement en français. Le verbe « prier » a ici le sens que chacun veut lui donner, il n’est religieux que si on le souhaite.

Prions pour rester ouverts aujourd’hui.
Ouverts à l’énergie infinie du moment présent.
Ouverts au mystère et à la puissance de la vie.
Ouverts à tout ce qui peut advenir.
Ouverts à la routine et aux surprises.
Ouverts à notre capacité d’aller au-delà de nos premières réactions.
Ouverts à nos imperfections et à l’étincelle divine qu’elles recèlent.
Ouverts à l’émerveillement et à la grâce de la vie qui suit son cours, tous les jours.
Ouverts aux circonstances qui nous plaisent et à celles qui nous déplaisent.
Ouverts à la lassitude et à l’énergie débordante.
Ouverts à l’écoute et à la parole.
Ouverts à l’amour sous toutes ses formes.
Ouverts à notre faculté de donner et de recevoir.
Ouverts aux saisons qui passent, aux priorités qui évoluent, car rien ne reste inchangé très longtemps.
Ouverts à la possibilité de laisser nos certitudes se dissoudre.
Ouverts à l’expérience directe de la vérité.
Ouverts à l’oubli et au souvenir.
Ouverts à la vie, ouverts à la mort.
Ouverts à notre pouvoir de reconnaître nos vieux schèmes et de les laisser aller.
Ouverts à la peur et au courage, à la facilité et à la difficulté.
Prions pour rester ouverts.

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