Je n’étais pas préparé à ca. Je m’étais pourtant entrainée avec mon sac et mes 8 kilos, incluant l’eau. J’avais bien regardé le trajet de St-Jean Pied de Port jusqu’à Santiago, estimé mes capacités, je marche beaucoup et depuis tellement longtemps c’est naturel pour moi. Je savais que la route pouvait être spectaculaire par moment, difficile à certaines occasions, solitaire par choix ou par obligation mais je ne m’étais pas attendu à ca. Je m’attendais à ce qu’on y parle toutes les langues, qu’on y vienne de partout, que certains relèvent un défi encore plus extraordinaire que le mien, partant de chez eux en Hollande, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie, centre ou nord de la France, faisant des trajets totalisant plus de 2000, 3000, 4000km et même jusqu’à 8000km pour ceux qui retournent à la maison par le même « camino ». Je m’attendais à rire mais aussi à pleurer à l’occasion, à vouloir abandonner et à vouloir en faire plus mais je ne m’attendais surtout pas à ca.
Je m’attendais à la douleur et aux ampoules, à « casser » au troisième jour, mais je ne m’attendais pas à ce que le pharmacien le plus proche devienne mon meilleur ami, à avoir une trousse de premier soin qui pèse plus que tous que mes pantalons et t-shirts réunis, à devenir obsédée du poids (et pas le mien pour une fois) au point d’en jeter mes bas de pantalons et couper la bout de corde qui dépasse de ma coquille.
Je croyais être préparée à tout mais je ne m’attendais surtout pas à retrouver la petite fille oubliée au fond de moi, retrouver l’étudiante qui voyage avec son « back pack », sans responsabilité, sans agenda, sans être pressée. Je ne m’attendais pas, alors que les kilomètres défilaient sous mes pieds à sentir ce besoin, cette énorme addiction grandir jour après jour et avec elle cette CERTIDUDE que je retournerai sur le CAMINO. Parce que le camino m’a fait un cadeau improbable et inestimable. Avec lui j’ai retrouvé l’INSOUCIANCE, cette insouciance qui m’a été volé lors de mon premier diagnostique de cancer. Si j’avais su…
J’y serais allée bien avant.
L. B., le 6 juillet 2014